Le « cancan » d’Arthur Babel

Les photographies d’Arthur Babel nous emmènent dans un monde étrange que l’on ne saurait définir sans se mettre soi même à jour.
S’agit-il d’une danse, d’un délicat pas de deux, chez ce couple qui se fait et se défait sous nos yeux, dans les recoins de la nuit urbaine, ou est-ce une agression filmée à la manière des caméras de surveillance qui peuplent aujourd’hui nos sociétés du contrôle ?
La forêt défile-t-elle dans le rouge des yeux de quelque athlète qui éprouve jusqu’aux limites de sa course ou assiste-t-on, proprement médusé, à une poursuite fatale dont la chute couleur sang fait, hélas trop souvent, penser à la une de nos journaux ?
Alors : entrainement ou viol ? Chorégraphie ou agression ?


L’univers de son travail chanté semble loin et pourtant comme les ritournelles ne sont légères que dé-contextualisées (en effet qui n’a jamais senti l’émotion le gagner à l’écoute d’un refrain même des plus stupides mais qui reste en la mémoire comme indissolublement lié à un être ou à un moment heureux disparu ?) les photographies d’Arthur nous fredonnaient déjà sous leur apparente simplicité une musique aussi envoûtante qu’ambiguë, car avouons le, se rappeler que la comptine chez Fritz Lang annonce l’arrivée de M le Maudit suffit en général à nous ravir l’envie de la reprendre en chœur…

Arthur délivre ainsi sa vision comme ses aphorismes grecs ou extrêmes orientaux qui à première lecture peuvent nous sembler enfantins ou naïfs mais qui à s’y attarder un peu ouvrent devant nous des profondeurs aux allures de miroir.


C’est nous qui mettrons en mots les œuvres de ce jeune créateur dévoilant par là nos plus intimes frayeurs, peurs du temps ou angoisses de nos névroses personnelles c’est selon ; l’on sait depuis Freud que nos mots sont nos maux et que nous nommons souvent davantage ce qui nous habite que ce qui se donne à voir. (Et l’on n’osera ici sombrer dans la tentation lacanienne de se rappeler que « Babel » est son heureux patronyme)
L’artiste en jouant de cette tension ne cesse de nous perdre dans des références qui se croisent et résonnent dans nos têtes pour mieux nous rappeler sans doute qu’un photographe est plus que jamais là aujourd’hui pour nous apprendre à voir, pour nous assumer voyants, en un sens pour libérer notre vision si souvent pré-vue.
L’œuvre d’Arthur se déploie donc sans embarras devant nous comme une danse moins destinée à nous charmer qu’à nous interroger sur le sens que nous choisissons de donner au spectacle proposé en ce curieux et très beau jeu de couleurs et de formes plastiques ; en somme devant ces solos et duos si bien saisis dans la lumière c’est à nous de faire et d’assumer tout « grand écart ».


Laurent Devèze

Tango #01

Tango #01

Tango #02

Tango #02

Tango #03

Tango #03

Tango #04

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Tango #05

Tango #05

Poursuite

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Ritournelle

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